mardi 13 décembre 2011

Blacksad, Quelque part entre les ombres de Guarnido et Canales



Blacksad est une série qu’on ne présente plus, devenue culte dès ce premier tome où la patte graphique de Juanjo Guarnido s’alliait parfaitement au scénario de Juan Diaz Canales, digne de la meilleure des séries noires. Les lignes magnifiques, le rendu des visages, la fluidité du mouvement, le naturel des silhouettes, tout chez Guarnido témoigne de l’héritage du Comics et de l’influence de son travail chez Disney. 
Les deux artistes donnent vie à une cité indéterminée, mêlant tous les topoi du polar : l’ambiance est noire, enfumée, les bars sombres, les rencontres suspectes, les visages patibulaires. La ville est un des personnages centraux parce qu’elle catalyse les passions, les exacerbe et figure la somme de la ville noire, la ville-polar qui perd les êtres dans les méandres de fumée et les vapeurs d’alcool. Il se dégage d’elle le parfum étrange des cités industrielles où se côtoient et s’affrontent richesse et pauvreté, passions et travail, crimes et divertissements. Blacksad réussit finalement la parfaite alchimie du roman noir et de la bande-dessinée, le syncrétisme génial entre le pur hommage au polar et la liberté de l’histoire. Les personnages sont suffisamment étoffés pour être intéressant et l’on imagine sans peine les potentialités soulevées par le personnage de Blacksad lui-même : détective aguerri, séducteur solitaire, félin cynique et déçu mais aussi violent, habile dont l’histoire personnelle ne se dévoile qu’avec parcimonie. Il semble perdu dans cette ville immense, symbole de l’urbanité galopante de l’Amérique des années 1950, dont les buildings écrasent les habitants. L’individualité des personnages se dessine davantage dans la foule anonyme, parfaitement rendue par Guarnido, foule obséquieuse de petits employés au service de magnats polarisant les crimes et les criminels. En d’autres termes, avec ce premier tome,  les auteurs imposent un album brut et ciselé à la fois, palimpseste réussi en hommage au roman noir, où se lisent de multiples influences, et qui annonce un bel avenir.

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